Citations
Ô Azrou, Roi du roc ! vos cèdres plongent leurs racines dans un sol desséché que nul n'arrose ; ils transforment votre sang de neige en feuillage vert, et tout le Maroc s'en réjouit... M. A. LAHBABI (cité par A. Serhane) Et Azrou « Azrou le Roc est né de la pierre comme un signe des temps et s'est incrusté irrémédiablement dans le regard de ses habitants. Il fut comme un défi à la durée au milieu des montagnes et des forêts de chênes et de cèdres. Il fut du froid glacial des longues nuits d'hiver et de la chaleur torride des insupportables journées d'été. AzroAzrou : une braise éteinte au fond d'un vieux brasero en terre cuite qu'une main experte avait modelé de façon si banale qu'elle n'avait pas omis d'ouvrir sur le reste du pays des routes carrossables, reliant le nord familièrement hostile au sud désertique et l'est maquillé et gonflé de lumières à l'ouest désespérément endormi, le tout enveloppé dans un décor original, d'une beauté toute naturelle, exportée librement dans des appareils photos par les touristes. Toute la vie commence sur ces routes; simple et émouvante, parfois brutale et déchaînée. Quand tu empruntes ces itinéraires pour la première fois, tu es en route pour une exploration d'une portée plus générale. Ces itinéraires mystiques ne conduisent pas uniquement à Agadir, à Tinghir ou à Rissani mais vers un univers étrange et sacré à la fois où tu saisis l'énigme d'une existence pure et terrifiante.
Une fois sorti, de l'ornière d'Azrou, tu parviens à une vérité tu es heureux. Émissaire et pèlerin, tu es en quête de l'absolu dans ce paysage qui t'écrase déjà sous le poids de son originalité et de ses multiples contrastes. Le vent qui souffle, le soleil qui brûle, les montagnes qui vont, la neige qui se résigne, le chergui qui s'inscrit dans le temps, l'inconnu qui soupire et qui gémit, le vide sacré qui délire, le ciel qui s'ouvre sur l'horizon, la nuit qui s'évade, la vague qui se referme, le temps qui s'arrête... Tu y éprouves un apaisement nouveau ; tu redeviens sauvage. La vie est là. Si tu grimpes en haut de l'une des montagnes qui dominent de la ville, tu t'aperçois facilement de la simplicité qui rapproche les gens de la nature. De là, tu vois toute la ville : petite comme le coeur meurtri de ses habitants, solide comme Hammada, dure comme Akechmir, patiente comme Messaouda que l'on finit par retrouver au bout de cette terre prostituée et silencieuse. Azrou la veuve! comme s'amusait à l’appeler le Fakir.
A Azrou, il n'y a ni ville ni médina. Il y a Azrou et c'est tout. Azrou tout court. La ville est formée de quartiers nettement séparés les uns des autres par des frontières fatales que la nature a tracées pour nous. Les bambins s'étaient juré une haine éternelle. Chaque quartier avait son propre clan, sa propre montagne,possédait sa propre équipe de football, imposait sa propre loi. [...] Chacun de nous était appelé par le nom de son quartier. Nous étions les fils d’Ahadaf, les fils de Tizi, les fils de Bouighial ou de la Kechla et personne ne s’avisait de s’aventurer seul dans un quartier autre que le sien. » Messaouda*, Abdelhak SERHANE Le Seuil 1983 *Note du "metteur en ligne" : "Roman" est-il écrit sous le titre, ce qui amène à ne pas confondre "narrateur" et auteur ; que le narrateur fonde, dans la même haine, le père collaborateur et les n'saras (chrétiens) c'est-à-dire les colonisateurs, c'est dans la logique du récit ; mais la gêne vient de l'utilisation dans le roman même de noms propres correspondant à des personnes et non des personnages : faire, par exemple, des bénédictins de Tioumliline, des prosélytes nigauds, n'est pas rendre justice à des hommes qui ont été honnis par les colons purs et durs pour avoir su faire de Tioum, à la fin du protectorat, un lieu d'échanges, de dialogue.
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